Histoire d’une chasse aux trésors chez les Anglais

Publié par Bastien Doras, le 17 mai 2022   770

Longtemps à l’avance, nous avions organisé ce fameux week-end dédié à la détection près de Londres. Les troupes motorisées en question, à savoir une cohorte de poêleurs impénitents, se sont rassemblées à la Défense : quoi de plus normal pour cette opération ?

Donc le départ en voiture de la Défense est vite donné : direction Calais ! Là, chez les bons bourgeois de cette cité, nous avons le temps d’humer l’air vivifiant du Channel, car nous sommes arrivés près de deux heures à l’avance (on ne sait jamais, le méridien de Greenwich affichant l’heure très officielle peut se perdre, vu la brume qui d’habitude inonde les campagnes anglaises, et on ne veut rien rater…).

L’embarquement dans le ferry-boat est vite réglé, tout autant que le surcoût dont il faut s’acquitter sans broncher… mais quand on aime, on ne compte pas ! La traversée de la Manche se déroule comme il se doit, bien qu’une houle assez forte fasse tanguer et rouler le bateau bord sur bord… 90 minutes après, nous voilà sur les routes britanniques… Il faut admettre que bien que nos vaisseaux à roues ne tanguent plus sur le macadam des engliches (au passage, je ne savais pas que le bitume de leurs routes était l’oeuvre d’un certain Mac Adam, originaire des Highlands d’Ecosse…), il devient subitement urgent de s’habituer aussi au sens de la conduite pratiquée par ici, car le dit macadam est tellement surprenant que si on n’y prend pas garde, la probabilité pour que le carrosse d’un mangeur de grenouilles s’encadre dans la carriole d’un autochtone du coin est voisine de 1.

Mon ami m’affirme, non sans un sourire très british, que les prospecteurs, ici, détectent de la main gauche ! Sont-ils gauches à ce point, me dis-je intérieurement, sans vouloir offusquer mon acolyte ? Deux heures après cet échange de bons mots, nous arrivons à destination, après avoir néanmoins raté par deux fois une sortie qui n’existait pas (ou plus)… N’avais-je pas raison lorsque je me demandais si le méridien de Greenwich était bien là où on l’attendait ? C’est alors que nous crions à la cantonade, avec force sourires qui en disent long :

« A nous les petites Anglaises ! Il paraît que se sont de vraies rousses ! » (Les monnaies bien sûr, qu’allez-vous penser ? Quoique, la patine d’un vieux bronze n’est qu’un piètre ersatz, comparé à la pilosité rougeoyante qu’arborent certaines filles du cru.) Nous voulons arriver plus tôt, afin d’avoir un minimum de sommeil réparateur et être en forme le lendemain matin… C’est sans compter sur les multiples et incontournables expositions de trouvailles, narrations d’anecdotes ou d’exploits, parcours de nombreux «Treasure Hunting», etc. Nous sommes bien des passionnés, cela ne fait aucun doute ! Quand même, nous rejoignons nos couchages moelleux vers les deux heures du matin, ce n’est pas trop tôt… même si c’est un peu tard, en tout cas c’est bien mérité. Nous rêvons tous sans aucun doute à verres de vin rouge, que la gastronomie anglaise ait été et soit toujours si particulière. Nous partons enfin pour la première étape de notre périple. Au programme est affichée une prospection dans des prairies proches d’une ferme ancienne, transformée en cottage anglais.

D’habitude, des moutons de race cheviotte y pâturent, nous dit-on. Or il y a bien ça et là des morceaux de laine, mais aucun mouton digne de ce nom ne bêle à l’horizon, ni de franc à cheval d’ailleurs, peut-être quelques « silver hammered coins » ? Non, ce ne sera pas pour cette fois ! Seules émergent à l’air libre quelques monnaies anglaises de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème et quelques boutons en bronze blanc, plus une belle monnaie en argent de 3 pence frappée en 1914 et déterrée par un natif du pays, qui me la propose en offrande… Que Nenni ! Je n’ai pas dit mon dernier mot ! La météo non plus d’ailleurs ! Car après quelques pâles rayons de soleil et un échantillonnage de gouttes d’eau, elle nous a proposé tout un panel de ce qu’elle sait nous concocter : vent violent, grêle, et même de la neige… Il manque quand même le cyclone et l’ouragan…

Cela n’a pas réfréné trois prospecteurs chevronnés que rien n’arrête, sauf peut être une terre dure comme le béton armé, ou alors une crise de gastro-entérite aiguë qui nous guette après notre collation anglaise de midi ! Pour moi, c’est un sorbet au boeuf et aux oignons tout frais, voir gelé en son milieu, et avec une D.L.C. dépassée… Bon, il est avalé quand même ce met, que dis-je cet entremet so british ; je ne sais comment d’ailleurs… Heureusement qu’il restait quelques PiM’s ou oeufs en chocolats amoureusement préparés par ma moitié avant notre départ (nous fêtions bien la Pâque, non, autant que je me souvienne ?)…

Après avoir ramassé quelques kilos de déchets, dont un bus à impérial profondément enterré… et difficilement déterré… (attendez mes bons amis, je n’ai pas dit qu’un de ces engins motorisés et bien plafonnés avait échoué là, dans d’anciens marécages, non, le bus dont il s’agit n’est qu’une reproduction de ceux qui roulaient à Londres, mais en modèle réduit) on s’est rabattu sur le premier champ beaucoup moins pollué, non sans avoir trouvé une belle lampe torche US abandonnée là par un joyeux fêtard (quelques mois auparavant, il y avait eu un feux d’artifice organisé dans ce champ par les villageois).

Serait-ce le signe d’une lueur d’espoir pour le piètre détectoriste que je suis ? Quelques monnaies ayant sonné et trébuché bien plus tard au fond de mon sac à trouvailles, après avoir saisi sur le vif les participants à cette quête mémorable, en de multiples portraits numériquement conservés dans ma boite à malices, il nous faut arrêter notre quête et regagner nos pénates.

Le sympathique propriétaire et sa famille nous invitent à boire le café et à déguster un gâteau fait de main de maître je devrais dire plutôt savamment confectionné par la maîtresse de maison (au nom de shortbread : c’est le gâteau qui est affublé de cette appellation, et non la maîtresse de maison). Nous avons pu admirer la belle monnaie d’argent datant de 1422 et trouvée par Peter quelques mois auparavant dans le champ où nous étions, monnaie qu’il a admirablement présentée dans un cadre avec une légende, le tout ayant été généreusement offert au maître de ces lieux hospitaliers.

Français, prenez en de la graine ! Nous rentrons ensuite à la maison, celle de Peter, et je dois avouer que je ne peux m’empêcher de piquer du nez… Bien qu’assis du côté gauche, je me suis endormi sans dégât… Ouf ! La soirée est bien agréable, puisque nous nous retrouvons autour de plats appétissants, face à une carafe remplie d’un nectar provenant des vignes d’Albion : cherchez-les bien ! Le reste de la soirée a pour thème… devinez ? La détection bien sûr ! Jusqu’à deux heures du matin, heure anglaise, n’en déplaise au méridien de Greenwich qui vient de changer de côté… disons plutôt jusqu’à ce que mes yeux se fassent tout petits, chacun raconte ses prouesses. Mais le rituel «Good night» met fin à des conversations selon lesquelles les trouvailles amassées auraient leur pesant d’or ! Le lendemain matin, nous devons nous rendre encore plus loin, en effec- Superbe boucle tuant près de deux heures de route.

Il neige, en plus du froid… Mais j’avais prévu ces calamités britanniques en emportant par devers moi plusieurs épaisseurs de vêtements et sous-vêtements, moi le frileux transi. Nous allons prospecter dans le cadre d’une sortie organisée par un club de détection. Et en Angleterre, tout est remarquablement organisé… Il faut régler une participation de 10 livres Sterling, que Peter nous offre gracieusement. Nous lui en sommes très reconnaissants. Nous voilà dans le champ, et les 5 centimètres de neige qui le recouvrent ne nous repoussent pas.

La poudreuse colle au disque, mais il suffit de le tapoter sur le côté des bottes pour faire le ménage… Ma première monnaie surgit au bout de 10 minutes, c’est une belle pièce d’un Penny de 1917 à l’effigie de Georges V. Mes partenaires du jour ne sont pas en reste, ils arborent eux aussi de fort jolies monnaies sorties tout droit de ce champ en pousses… (hé oui, du blé !) Les monnaies sont en bien meilleur état que celles trouvées la veille…

En tout cas, ma première pièce me réchauffe coeur et âme, elle me pousse à aller de l’avant, car au bas mot, il y a au moins une bonne vingtaine de poêles à frire qui s’agitent en tout sens dans ce champ immense. Nous savons que quelques monnaies romaines ont été déterrées de cette terre inhospitalière, alors tout espoir n’est pas perdu. D’autant qu’ici en Grande Bretagne, tout est permis, dès lors qu’on est autorisé à chercher, même à découvrir un trésor ! Il en fut même trouvé pendant des rallyes… celui du vieux Mac Adam par exemple ! Je me dirige un peu à la billebaude vers le milieu du champ, lorsqu’un son bien rond, tel que je les aime, se fait entendre : c’est une petite monnaie romaine du 4ème siècle qui a hâte de revoir le mauvais temps des Britishs….

Lorsqu’une deuxième pièce fait son apparition trois mètres plus loin ; alors dans un élan d’émotion, j’appelle mes amis à la rescousse, car je me dis qu’il y en a peut-être d’autres. Et c’est exact, car un petit Tétricus s’est blotti dans la main de Peter. La neige fond rapidement, grâce à quelques rayons de soleil plus timorés que présents… La belle affaire, me direz nous ? Hé, ce n’est plus la neige qui colle au disque, c’est la terre gorgée d’eau qui adhère aux bottes, pour ceux qui en ont chaussé bien sûr ! Peter en a plein les bottes, qui, pourtant, sont inexistantes… il n’en peut plus… de l’eau pénètre dans ses chaussures de marche… Aujourd’hui, il n’y a pas l’ombre d’un doute, les bottes en caoutchouc s’imposent! Peter prend alors la décision d’aller en acheter rapidement. C’est le métier qui rentre, tout autant que l’eau boueuse… Poursuivant ma progression, je me rapproche d’un chemin de traverse, lorsque j’entends tout à coup un son rondelet et très aigu, donc forcément prometteur. Je donne le coup de pelle règlementaire, et là, quelle surprise m’attend, car une superbe monnaie romaine en argent vient se cacher dans le creux de ma main. Il s’agit d’une silique ou bien d’une maiorina en billon (avec forte teneur en argent), frappée sous le règne de Constance II, vers l’an 350. Elle fait l’unanimité auprès de mes partenaires du jour.

J’en profite, non sans fierté, pour la montrer à des prospecteurs anglais, même grelottants… Or certains d’entre eux ont découvert des monnaies frappées en argent, du plus bel effet… (Quant à moi, j’ai encore en tête ce moment où la monnaie m’est apparue, telle qu’elle est actuellement, toute aussi belle. Je vous la présente céans…) J’ai eu ce jour la chance qui sourit aux audacieux. Mais Peter n’est plus visible dans ce champ, il est reparti dans sa voiture, car il est complètement frigorifié et ses pieds lui font très mal. Moi, je déterre encore deux autres monnaies romaines, puis plus tard, une belle boucle du XVIIème siècle, ainsi qu’une broche destinée à y insérer les deux côtés d’un foulard… C’est un objet typiquement anglais, sans aucun doute. Ce sont de bien belles trouvailles, accompagnées par d’excellents souvenirs surtout, même si mes partenaires ont manqué de veine.

Mais il se fait tard, et nous sommes frustrés de détecter sans Peter. Nous nous dirigeons alors vers les voitures, dans une dernière ligne droite rapide et sans surprise. Nous devons nous séparer, et, pour nous, rentrer en France. Nous nous sommes promis de nous revoir, sans doute pour les beaux jours. Car ces deux journées formidables se sont déroulées dans des conditions exécrables, s’agissant de la météo : il n’avait pas neigé ici depuis 1983, à cette période de l’année ! Nous invitions Peter à venir poêler en France, quand il le voudra. Et ce sera pour lui l’occasion de revoir sa famille, de faire la fête, de boire du bon vin… Ainsi fut notre week-end pascal anglais. Merci encore à Peter pour son accueil et pour sa sympathie, merci à l’Anglais, quel qu’il soit, pour sa gentillesse sans faille et sa disponibilité à toute épreuve. Merci au Club de détection de loisir « The three counties ». Vive la détection, et gardez le Cap !

le Treasure Act

Le Treasure ACT de 1996 montre que les anglais ont comme d’habitude beaucoup d’avance sur nous en matière de collaboration archéologues prospecteurs. Cet acte, passé par le Parlement, est complexe. En voici un résumé. Cet ensemble de lois oblige l’inventeur d’un trésor (définition anglaise d’un trésor) à déclarer sa trouvaille sous 14 jours au coroner le plus proche. Le coroner est un officier public chargé de mener des enquêtes visant à déterminer comment et pourquoi sont survenus des décès autrement que par suite de causes naturelles.

Mais depuis 1996, il possède un rôle déterminant dans l’application de la loi sur les trésors. Ce dernier va mener une enquête, et déterminer selon les critères anglais, si la découverte fait bel et bien partie d’un trésor. Si l’enquête conclut qu’il s’agit d’un trésor, alors l’inventeur doit le proposer à la vente à un musée à un prix fixé par une commission d’experts indépendants. Seulement au cas ou un musée ne serait pas intéressé dans la trouvaille, ou s’il n’a pas les fonds pour s’en porter acquéreur, alors l’inventeur peut le garder.

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